L’argent, le luxe, le plaisir… tout ces acquis si durement gagnés, tout ce foutu travail, cet acharnement pour quoi? Pour tout voir s’effondrer du jour au lendemain? Qui aurait pu le prédire? Tous les calculs, la bourse, tout ce que j’avais appris à prévoir ne voulait plus rien dire maintenant. Et tout l’argent si minutieusement accumulé n’avait plus aucune valeur… La fin de ce monde à toujours été une chose que j’envisageais. Mais pas comme ça. Un crash boursier, une guerre, l’écroulement de notre système… tout cela était statistiquement probable et rattrapable... ma ça?? Vraiment? Toute cette foutue vie, tout ce foutu travail à la con. Je ne pouvais pas y croire. À genoux dans la poussière, oubliant que je portais un costume à 600$, j’ai réalisé que je venais de te perdre… Toi, ma sœur. Toi qui était peut-être la seule vraie personne à qui je tenais…

Aussi loin que je me souvienne, tu avais toujours été là pour moi. Nous avions eu une enfance des plus joyeuses, entouré de tous ce que nous désirions. Notre père, grand avocat renommé et notre mère, travaillant comme secrétaire à son bureau nous avait tout donnés. Matériellement du moins. Ça ne m’avait pas pris bien longtemps à comprendre qu’ils n’avaient pas de temps à consacrer pour se battre avec deux enfants. Alors, pour le peu de fois qu’ils étaient là, je m’acharnais sans retenue. Une jolie petite crise, des larmes et un regard tendre suffisait à les faire plier. Je suppose que tu était plus raisonnable que moi, mais je n’ai pas hésité à utiliser la manipulation pour que toi aussi tu obtiennes ce que tu voulais. En retour, tu étais toujours là pour m’offrir un peu de chaleur humaine. Nous étions tellement différents et pourtant inséparables. En vieillissant, on ne ses pas vraiment éloigné. La relation a évolué, certes, mais tu étais toujours là, malgré tous les désaccords que nous avions.

Alors que Chad pressait ton corps contre le sien, je me suis retenu de pleurer. Je n’étais plus un enfant maintenant… et les larmes ne serviraient à rien. Elles ne te ramèneraient sûrement pas… Le souvenir de cette soirée où nous l’avions rencontré me revint en mémoire… cet homme si immense, prêt à m’offrir ses services. J’ai d’abord cru qu’il avait reconnu le grand homme que j’étais devenu. Avec la réputation de notre père, je n’avais pas eu de difficulté à me faire une place dans les affaires. Et je n’ai jamais eu peur de faire ce qui devait être fait. Manipulation, mensonge et tromperie faisaient partie de mon quotidien. Mais le plus important était de le faire sans qu’on ne le remarque. Charme, gentillesse et compréhension, je savais mettre le bon masque à chaque fois. S’en était presque trop facile. Autant on m’appréciait, autant on me craignait. Et j’adorais ça. Toi, tu étais toujours là. Je ne sais pas ce que tu pensais exactement de moi, mais tu ne m’as jamais abandonné. C’est probablement pour cela que je n’ai jamais ressenti le besoin d’avoir une relation sérieuse avec une femme. Et puis, ta beauté était un atout considérable. Bien que je n’aie jamais voulu te faire de mal, j’ai parfois osé te présenter des hommes simplement parce que j'avais besoin d’eux. Et toi, tu t’accrochais à eux avec facilité, cherchant l’amour dans les bras d’hommes au cœur froids. Tu es devenue méfiante après un certain temps et ça ne m'a pas plus. Mais tu étais ma sœur. Et ce Chad ne s’intéressait finalement pas à moi, mais à toi. Il était par contre, un garde du corps des plus impressionnants. Sa carrure, Sa Grandeur, mais surtout sa naïveté ont su me plaire rapidement. Il avait du potentiel. Je n’avais aucune envie qu’il se rapproche de toi avec sa réputation de coureur de jupons, je lui ai fait faire les plus basses besogne qui me son venu en tête, mais rien ne le fit reculer. Et plus il s’attachait à toi, et plus sa loyauté aveugle me plaisait. Je lui fis comprendre qu’il avait intérêt à ne pas te décevoir… et je finis par croire que cette relation avait finalement quelque chose de bon. Autant pour toi, pour lui que pour moi. Et ses sentiments, aussi peu croyable que ce puisse l’être semblait être sincère.

Mais, les sentiments ne servent à rien. Ce ne sont que des faiblesses au final. Et il venait d’échouer… il avait échoué à te protéger… La colère brûlait en moi… mais pas contre lui… contre moi-même. Là, dans la poussière, j’ai essayé de me convaincre que s’était de lui avoir fait confiance qui me mettait en rogne, mais la vérité, c’est parce qu’il m’avait protégé moi… Et je savais très bien que j’étais le seul responsable. J’avais toujours tout fait pour passer avant toi ma sœur… maintenant, je devrais vivre avec ça. J’ai pris une grande inspiration et je me suis relevé, secouant la terre sur mes genoux. Il fallait continuer, il fallait oublier. Je devais maintenant m’arranger pour que ce Chad reste à mes côtés, parce qu’il était ma meilleure chance de survie. Alors que les pas traînant de ce foutu revenant se rapprochaient, je n’ai rien trouvé à dire pour ce qui venait d’arriver. Je me suis contenté de hurler :

«Chad! Faut qu’ont s"tire!»