Ta belle peau de porcelaine est désormais bleue, tes lèvres sont immobiles, et ton regard me fixe sans plus une once de vie. Tes petits poings sont fermés, comme si tu les avais crispé le plus fort possible avant que ça n’arrive. Le reste de ta chambre est pourtant impeccable, comme il se doit d’être. Seul le silence et la sensation de froid qui y règne m’interpelle. Mon visage figé par l’horreur semble avoir également paralysé mes cordes vocales, qui refuse systématiquement d’émettre le moindre son. Je suis là, a te regarder : sans vie.

La mort subite du nourrisson : qu’elle p*te !

Puis enfin le cri raisonne dans tout l’appartement, au même moment où mes genoux flanche.

J’ouvre alors les yeux et me redresse dans mon lit, en sueur et à bout de souffle. Je crois bien avoir réellement hurlé puisque tu me regardes d’un drôle d’air. Pourquoi encore ce putain de rêve, alors que cette histoire à des années lumières ?! Je grogne, renfonce ma tête dans l’oreiller, et tente de calmer les émotions qui m’envahissent subitement. Je refuse de me montrer faible, surtout devant toi !

Hé oui, il y a des années, alors que j’étais encore toute jeune, j’ai perdu mon nourrisson...et celle que j’étais. Si autrefois j’étais heureuse, pleine de joie de vivre, et enthousiasme; aujourd’hui c’est tout le contraire. Après la perte de mon bébé, de mon couple, de mon travail, et de ma santé mentale; que me restait-il ? Absolument rien. Je me suis retrouvée à la rue, le coeur et l’estomac vide. Plus rien ne m’atteignait, je me fichais de tout. J'ai fait des choses dont je ne suis pas fière pour survivre. Combien d’années suis-je restée là, à me nourrir dans les détritus et à fuir tout ceux qui tentait vainement de m’approcher ? La rue m’a aigris, ma rendu colérique, vulgaire, et hargneuse.

Puis un jour tu as failli me renverser avec ton vieux camion. Une putain d’poubelle sur roue ! Dès que tu en es sorti, mon instinct ma hurler de fuir à toute jambes, le plus loin possible de toi. Pourtant j’ai fait exactement l’opposé. Qu’elle conne, bordel !

Tu m’as pourtant fournit un toit, de la nourriture, et de la chaleur humaine. Peut-être aurais-je du me douter que c’était trop beau pour être vrai ? Du moins trop beau pour l'itinérante que j'étais. T'aurais pu me faire dormir dans le fond d'une vieille cabane humide que ça m'aurait paru luxueux ! Mais non, toi tu possédait une petite roulotte et au tout début ça été comme le paradis. Brisé, tu l’étais tout autant que moi et toute ta rancœur et ta haine ont fait de moi une personne différente. Je me suis laissé forger à ton image, comme si j’avais quelque chose à te prouver. J’ai même accepté de t’épouser...parce que quelque part, au fond de moi, j’avais besoin de toi...et peut-être avais-tu également besoin de moi ?

Nous avons mis au monde un enfant, et même si j’aurais voulu me reprendre en main et être la mère digne qu’il méritait, j’en ai tout simplement été incapable. Jamais je n’ai été capable de m’attacher à lui, comme je l’avais fait avec mon premier enfant. Notre relation a toujours été plus évasive.

Les années ont passées et tu as fini là où j’aurais du le prévoir dès le début : en prison. Bordel j’aurais du en profiter pour couper les ponts, mais j’en étais tout simplement incapable ! Ce putain de monde merdique s’est effondré et je ne pensais qu’à une seule et unique chose : te rejoindre. J’ai ramasser quelques affaires, j’ai contacté notre fils, désormais adulte; et nous sommes tous les deux partis en direction du Mexique pour t’y rejoindre coûte que coûte. Nous avons mis du temps à te retrouver, mais dès que ce fut le cas, je n’hésitai pas rejoindre ton groupe et a m’y trouver une place...peu importe ce que cela coûterai à mon âme foutrement paumée. Voilà déjà bien longtemps que je n’étais plus moi-même, de toute façon...