Gale n’a jamais voulu vivre dans le monde d’avant, il s’y sentait trop à l’étroit, comme s’il n’y avait pas sa place. Fils d’un couple américano-norvégien, Gale était bien plus attiré par la culture nordique, lui l’ainé d’une fratrie de 5 frères et sœurs. De sœur, il n’en avait qu’une, Anaëlle, de treize ans sa cadette.

Sa famille était soudée, enfant, il était très protecteur envers ses frères et sa sœur, jouant avec eux même lorsqu’il n’en avait pas envie, juste pour leur faire plaisir. La vie est ainsi faite, tous allaient prendre des chemins différents, et à l’âge de trente ans, Gale décidait de prendre sa vie en main.

Lui qui avait été bucheron en Amérique partait vivre son expérience en Norvège. Rapidement, il trouva un emploi dans les Fjords, ses capacités physiques étaient appréciées tout autant que sa bonne humeur. C’est à ce moment là qu’il rencontra Théa. La fille du propriétaire de l’entreprise.

Gale était épanouie dans sa vie, loin du stress américain, renouant avec la nature et l’essentiel, et rapidement il charma Théa. Il l’emmenait danser, il l’emmenait chanter, il l’emmenait manger et leur vie commençait.  

Cinq ans plus tard, ils se mariaient enfin. Théa devenant Madame Strom. Les derniers jours où Gale avait souri, les dernières photos où son regard était pétillant, où les rides aux coins de ses yeux étaient des rides de bonheur.

Le lendemain de ses noces, il retrouva Théa étendue dans la salle de bain, une rupture d’anévrisme avait emporté son grand amour. C’est à cette époque, que Gale rencontra son second grand amour : l’alcool. Il ne parlait plus, travaillant d’arrache pied, tirant des blocs de glaces de plus en plus lourds, ne s’arrêtant pas même lorsque ses mains saignaient.

Gale n’avait plus de nouvelles de sa famille, il ne savait pas ce qu’étaient devenus ses frères et sa sœur, les lettres s’entassaient sans qu’il ne les ouvre. C’est au bout de trois ans, un soir devant le feu avec une bouteille presque vide qu’il avait commencé à les ouvrir, apprenant l’incarcération de sa sœur Anaëlle, la maladie de sa mère, et le décès d’un de ses frères.

Il était sourd aux appels au secours, jusqu’à ce que sa mère lui demande de venir lui rendre une dernière visite, quelques semaines seulement avant le début de l’épidémie. Oui, il aimait cette femme, sa mère, il la serrait dans ses bras avec l’ultime promesse d’aller attendre Anaëlle au Mexique, faire en sorte qu’elle soit acquittée dans son histoire et qu’elle quitte la prison que l’on appelait l’Île.

Si seulement il savait à ce moment là qu’il ne reverrait plus jamais les Fjords …. Il était à Cancun, tous les soirs il observait la prison au large des plages, tous les soirs il soupirait assis dans le sable, une bouteille de rhum à la main.

Gale avait été embauché pour construire une résidence à l’américaine, une résidence qui allait devenir le repère des Pacifistes plus tard, et c’est en installant les derniers morceaux d’un toit qu’il apprit la nouvelle de l’épidémie.

Un homme marchait en titubant, le faisant hocher la tête, lui qui pensait qu’il était saoul, n’y prêtant pas plus d’attention lorsqu’un cri déchira le silence. L’homme avait sauté sur le contremaître et le dévorait sous les yeux de Gale.  L’épidémie touchait Cancun.

Avec quelques personnes Gale s’était caché dans les maisons de la résidence durant plusieurs jours lorsqu’un nouveau groupe de personne issu de l’Île ne vienne y installer leur quartier général, les prenant avec eux. Gale faisait officiellement partie des Pacifistes.