La jungle environnante était luxuriante, verdoyante comme s’il pleuvait régulièrement alors qu’aucun cumulus cotonneux n’avait été vu depuis maintenant plusieurs semaines et la chaleur étouffante rendait les journées compliquées tandis que la fraîcheur apportée par la tombée de la nuit ressemblait à un cadeau tombé du ciel chaque soir. Nate avait le don de s’émerveiller de ce que la nature pouvait apporter, de la magie que l’ensemble de ces plantes semblait dégager et il s’extasiait devant leur beauté à chacune de ses petites escapades. Est-ce qu’il avait toujours été admiratif de ces choses-là ? Il aurait pu être botaniste, horticulteur ou simplement fleuriste… Cependant, rien ne prouvait qu’il avait pu, par le passé, éprouver le moindre intérêt à tout ceci, et c’était cette inconnue, ce grand point d’interrogation qui l’avait poussé aujourd’hui à s’éloigner autant de leur campement. Après une énième tentative afin de faire remonter à la surface ne serait-ce qu’une bribe de souvenir, la déception face à ce nouvel échec l’avait forcée à aller prendre l’air, il avait besoin de respirer, de se retrouver un peu seul en tête-à-tête avec le néant que représentait son existence d’avant. Il se sentait heureux auprès de cette femme qui l’avait recueilli, mais ne pas savoir qui l’on est, n’avoir aucune idée de là d’où l’on vient peut nous faire sentir telle une coquille vide et c’était exactement ce que pensait Nate par moments, il avait cette désagréable sensation de n’être qu’une enveloppe sans le moindre intérêt. Ne dit-on pas que c’est notre histoire et notre vécu qui nous forgent tels que nous sommes ? Mais qu’en est-il lorsque nous ne sommes qu’une page blanche, vierge de toute trace d’événements marquants, sans une once de vécu heureux ou malheureux ? Comment se construire une identité dans une situation pareille ?

Nate en était là dans ses réflexions, se posant mille et une questions quant à ce "lui" qu’il devait bâtir, se demandant comment ériger des fondations solides sur des sables mouvants… Autant de pensées existentielles qui se bousculaient dans sa tête alors qu’il cueillait des herbes médicinales. Du cuachalalate serait toujours utile en cas de plaies, de toux ou autres rhumes, de la Melissa Purple si l’un d’entre eux venait à avaler quelque chose de non-comestible, et beaucoup de pingouin dont les extraits étaient particulièrement efficaces pour lutter contre les douleurs de son bras récemment guéri. Il en avait retrouvé l’usage, mais la cicatrice le faisait encore affreusement souffrir tandis qu’il pouvait par moments ressentir un mal si intense qu’il avait l’impression qu’on essayait de lui arracher son membre. Heureusement que Sophia lui avait appris à utiliser ce que la nature pouvait leur offrir afin de se soulager, sinon, il y a fort à parier que la douleur aurait fini par le rendre fou.

Accroupis, il observait un magnifique parterre de Dahlias dont les fleurs multicolores l’hypnotisaient. Il pourrait en rapporter à la cabane, non seulement cela ferait plaisir à Sophia, mais en plus, ils pourraient se faire une délicieuse salade, ces deux arguments avaient eu totalement raison de lui et il ramassa plusieurs fleurs, les glissant délicatement dans son sac avant de remettre ce dernier sur son dos. Soudain, il se redressa rapidement, laissant glisser son regard à droite puis à gauche. Un bruit de pas. Il en était certain, il venait d’entendre des pas et des murmures. Vu la faiblesse de ces sons, il était évident qu’ils ne pouvaient provenir de rôdeurs, ces crétins ne faisaient absolument pas attention au fait de se faire repérer et Nate se demanda si savoir que des humains traînaient dans le coin le rassurait ou non. Le brun n’avait vu personne d’autre à part Sophia depuis qu’il s’était réveillé, et l’endroit avoir pour habitude d’être plutôt désert, à moins qu’il ne se soit plus éloigné qu’à l'accoutumée, se pouvait-il que, plongé dans ses pensées, il n’ait pas fait attention du chemin parcouru ?

« Il y a quelqu’un ? », imprudent, c’était particulièrement imprudent d’alpaguer les personnes qui se trouvaient là alors qu’il n’avait aucune idée de qui il s’agissait. Mais Nate n’était pas rodé à ce nouveau monde, et il n’avait nullement conscience du danger que pouvait représenter les humains à l’heure actuelle alors il se dirigea vers les voix qui chuchotaient non loin de lui. S’approchant doucement, sans doute de peur de les effrayer, il contourna le tronc d’un arbre énorme et se retrouva nez-à-nez avec un petit garçon à qui il adressa un énorme sourire avant de relever les yeux sur une femme.

« Bonjour. », le jeune homme ne savait pas vraiment comment réagir, et lorsqu’il remarqua le regard inquiet qui lui faisait face, il ajouta calmement, « N’ayez pas peur, je ne vous ferais aucun mal. ». Nate avait fait quelques pas en arrière afin d’appuyer ses dires, il était surpris de croiser quelqu’un ici, mais contrairement à la réaction qu’il aurait eue s’il était encore totalement lui-même, il n’était absolument pas méfiant, et c’est naïvement qu’il se demandait simplement pourquoi les deux inconnus semblaient autant sur la défensive. Avant, il était doué pour les relations humaines, il savait parfaitement mener sa barque et se faire apprécier de tout un chacun, jouant de sa petite gueule d’ange et de son sourire charmeur pour amadouer et plaire au monde, mais aujourd’hui, il avait oublié tout cela, il était gauche, perdu et la seule personne qu’il connaissait et qu’il avait côtoyée dans ce dont il se souvenait de sa vie était absente, elle ne pouvait pas le guider face à cet événement, rencontrer des êtres humains était un fait tout nouveau pour lui.

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