Aukaneck. Non mais quel nom de merde… Mes géniteurs avaient décidément trop d’imagination ou des goûts tout simplement pourris. Donc, vous m’appelez Myranda, point barre ! Je dis biens géniteurs, parce que ces gens, je ne les considère pas comme des parents.
Des parents s’occupent de leurs enfants, les berçant dans l’amour, l’innocence et la bienveillance. Ils les aident à faire du vélo, à apprendre à nager, à faire du roller, non pas à se battre à utiliser des armes. Je sais, le deuxième amendement, blablabla, des mômes haut comme trois pommes sont emmenés dans des stands de tir, mais mes parents étaient givrés. Il n’y a pas de mot pour les qualifier tant pour moi ils sont instables. Heureusement, on était deux pour affronter toute cette merde. Aklaq (encore un prénom à coucher par terre) était mon premier soutien, mon protecteur, celui qui prenait des raclés à ma place, quand il voyait que notre géniteur allait trop loin. Ensemble, on a affronté tout ça. On essayait même de trouver de bons côtés à ce mode de vie survivaliste, qui ne nous convenait pas tellement. On aimait bien rêver de l’océan, de bateaux, de libertés. La nuit, c’était notre moment à nous. Nous n’allons pas à l’école, nos parents nous lâchent la grappe. Aklaq venait toujours me voir pour que l’on soit ensemble comme deux enfants. Parce qu’on était des putains de mômes à qui nos géniteurs enlevaient l’enfance.
Ce gachi on pouvait l’affronter à deux, mais les géniteurs ont décidé de rajouter un élément dans l’équation, notre petite soeur Akiak (punaise mais ce prénom ! Même Kelly ça aurait pu passer à mes yeux). C’était cette petite chose rose, mignonne et adorable que j’ai appris à aimer dès que mon regard se posa sur elle. J’étais aussi devenue une grande soeur et je devais protéger quelque chose. Même si nos parents étaient fous, j’apportais de l’amour à cette enfant. Je n’avais que six ans et je devais déjà jouer à la maman.

Je suis une tête d’ampoule. Pas le genre de nana toujours dans ses bouquins, mais le genre de fille avec une excellente mémoire et qui adore bricoler. Aka m’appelle souvent McGyver et je prends ça pour un compliment. J’adore bidouiller, bricoler et inventer des choses, surtout quand cela peut améliorer notre quotidien. Quand j’avais douze ans, je me suis même mise à imaginer une bombe pouvant éliminer efficacement nos parents, il me manquait seulement le bon matériel. A côté de ça, on continuait à apprendre à survivre. Souvent on finissait au milieu de nulle part. Je crois que les géniteurs adoraient le petit Poucet parce qu’ils aimaient bien nous laisser nous débrouiller des jours, au risque qu’on se fasse bouffer par un grizzly. Putain, mais où était les services sociaux ? Nous les mômes, on ne disait rien, pourtant à l’école on nous voyait revenir avec des bleus partout, des brûlures, mais personne n’a voulu voir la réalité en face. Je pouvais les entendre, “Mais non les White on de l’argent, jamais ils ne feraient de mal à leurs enfants.” Pff tu parles. Le fric ça ne fait pas tout et les White sont que des connards finis.

Akalq quitta le premier le domicile familial. L’université l’appelait, il était le premier à connaître la liberté, nous laissant seule, Aki et moi. Heureusement, il parvint à nous procurer des téléphones portables, pour que nous puissions rester en contact. J’étais jalouse de lui, surtout quand il me parlait du vrai monde, des soirées étudiantes et des cours. Je rongeais mon frein. Je voulais partir aussi, il me fallait une foutue bourse pour aller à l’université. Alors je bossais, je subissais mes parents, je protégeais ma petite soeur. Voilà mon quotidien pendant deux ans, jusqu’à ce que je prenne mon sac. Je serrais mon grand bébé contre moi, j’avais peur de la laisser seule avec les géniteurs, mais il fallait que je parte pour mon bonheur, pour quitter ce monde de fou.
Le monde de l'ingénierie me tendait les bras. Ce n’était pas facile tous les jours, surtout quand les mecs me considéraient comme une faible femme. Ok, je ne suis pas grand. Ok, j’ai une paire de nibards, mais je sais mieux manier un tournevis que n’importe qui.
Je bossais dur, je défendais ma place dans ce monde de mâles qui avaient du mal à m’accepter comme femme. J’avais un job à côté pour pouvoir vivre et aussi Aklaq, mais je le laissais avec ses potes la plupart du temps. Je faisais ma vie. Je dégustais mes premiers cocktails, j’avais mes premiers petits-copains et mes premières petites-copines. Je comblais enfin ce manque qui m’avait habité durant toutes ces années. Chaque semaine, j’envoyais une carte postale à la maison pour Aki, je lui faisais ainsi découvrir un peu mon existence et la Silicon Valley. On s’appelait régulièrement, mais bientôt ce fut la fin de notre monde.

Enfin, nous pouvions mettre à profit nos leçons de survi. Nos géniteurs n’étaient pas si cons que cela en fait. Avec Aklaq, nous sommes restés un peu dans l’une de nos résidences, mais quand nos amis commencèrent à mourir et à chercher à nous bouffer, on a fait nos sacs et nous sommes partis. Il fallait qu’on trouve des armes. On s’infiltra dans la loge des gardiens du campus et nous avons pris tout ce qui pouvait nous être utile. On a dégommé pas mal de ces saloperies qui cherchaient à nous bouffer. On a erré par mal de temps, tantôt à pied, tantôt dans un véhicule volait. Par chance, trois mois plus tard, on a fini par tomber sur un camping car et depuis nous voyagions dedans. On voulait retrouver notre petite soeur. C’était chiant, parce que bien souvent les routes étaient impraticables, alors on devait faire demi-tour. Ca a pris du temps. Beaucoup trop de temps. On arriva enfin en août 2021 à Cancun. Notre premier geste fut de nous rendre au bunker. A notre grande stupeur, on découvrit les cadavres de nos parents. Ces cons s’étaient entretués, en tout cas, c’était ce que j’avais compris en analysant la scène. Pas de trace d’Akiak. Avec mon frère, on comprit qu’elle était encore en vie et qu’on devait absolument la retrouver pour réunir notre fratrie.